Balayez ce préjugé français qui veut que les Doggie Bag soient pour les mendiants

Une prise de conscience en France bouleverse les traditions et réintroduit sur les tables de restaurant le Doggie bag cette coutume folklorique américaine rebaptisée Gourmet Bag par l’industrie alimentaire française.

J’ai déjà mentionné le Doggie Bag, quand j’ai parlé des habitudes au restaurant en Amérique [voir Les Coutumes au Restaurant Américain, dans la rubrique : la Bouffe, 14 août 2014]. On emporte à la maison ce que l’on n’a pas fini au restaurant, pour le manger le lendemain. J’ai raconté cette histoire cocasse du jour où je me trouvais dans un restaurant avec ma compagne, qui se vit servir un steak énorme qu’elle ne put terminer. Elle demanda alors, comme il est facile et acceptable de le faire, qu’on lui enveloppe ce qu’il en restait pour l’emmener à la maison, ce qui fut gracieusement accepté. Mais la serveuse revint bientôt nous dire que par erreur les restes du steak avaient été jetés à la poubelle. Elle s’excusa et nous assura que le temps que nous dégustions notre dessert le chef allait griller un steak entier pour remplacer celui jeté par mégarde, que l’on emporta et que nous dégustâmes en sandwichs le lendemain !

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C’est une façon d’agir que les Français ne  comprennent pas et contre laquelle ils ont développé un préjugé.

Mais les modes de vie changent, même en France, et on entreprend un peu partout dans l’Hexagone des campagnes de sensibilisation au gaspillage alimentaire.

 

Les français résistent à emporter à la maison ce qui qu’ils n’aient pu finir et préfèrent encore que ces restes finissent à la poubelle.

Mais un petit mouvement se prépare à changer les attitudes. Il a été encouragé par des temps économiques difficiles, une plus grande conscience de ce que représentent les déchets alimentaires, et une jeune génération plus familière avec les fastfoods et la cuisine à emporter.

La France a officialisé une prise de conscience par les pouvoirs publics en créant le pacte anti-gaspi signé par l’ensemble des participants de la chaîne alimentaire. Ce pacte anti-gaspi se compose entre autres d’engagements pris par les professionnels, dont les représentants de la restauration commerciale qui s’engagent à développer l’usage du Doggy Bag dans les restaurants traditionnels français.

Un site web emblématique de ce changement a même été créé: gourmetbag.fr. Il fait la promotion pour que finir son assiette comme on nous l’a appris avant la maternelle ne soit plus la seule façon de quitter la table.

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Il est facile au restaurant, dit le site, d’avoir les yeux plus grands que le ventre. Le site tente de lutter contre la résistance causée par l’appréhension de la réaction du serveur ou cuisinier.

 

On apprend sur ce site que chaque Français jette en moyenne 20 kg d’aliments aux ordures, dont 7 kg sont encore emballés, et que le secteur de la restauration est à l’origine de 14 % du gaspillage alimentaire, ce qui représente 230 g par personne, par repas.

Les restaurants réagissent positivement et trouvent la démarche cohérente. 7 restaurants Lyonnais traditionnels se sont qualifiés ambassadeurs, et n’hésitent pas à proposer un Gourmet Bag quand la situation s’y prête. Un des restaurateurs qui a une importante clientèle de travailleurs du quartier le midi et qui propose des crumbles au menu suggère même que les clients emportent le reste de leur crumble dans le ramequin et le rapportent le lendemain.

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Elisabeth Manzon, qui dirige des projets alimentaires à l’organisme gouvernemental en cours d’exécution de la campagne contre le gaspillage dans la région Rhône-Alpes déclare : «Notre étude des consommateurs a montré que, la grande majorité d’entre eux – sont favorables à encourager cette coutume, mais hésitent à réclamer le Gourmet Bag parce qu’ils craignent de paraitre radin”. «Ils ont honte ! » précise-t-elle.

À la suite d’une enquête auprès des consommateurs et ayant reçu plus de 2 700 réponses, cette enquête révèle que

59 % des personnes interrogées disent ne pas toujours finir leur assiette.

75 % des personnes interrogées sont prêtes à utiliser le Doggy Bag

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Aurélien Breedennov, un jeune journaliste international rapporte dans le New York Times que Jean-Pierre Corbeau, sociologue et professeur émérite à l’université de Tours qui se spécialise dans les aliments, a déclaré que les deux classes, supérieure et inférieure ont traditionnellement boudé l’idée du Doggie Bag. Pour la classe ouvrière, laisser de la nourriture dans son assiette a toujours été une perte; pour la bourgeoisie, ne pas se bourrer est une indication que vous êtes assez riche pour ne pas avoir à le faire.

Mais c’est également le signe que les Français tournent le dos à une pratique qu’ils ont utilisé par le passé. Pour Jean Terlon, vice-président du principal syndicat de la France dans l’industrie alimentaire et un promoteur de la campagne du Gourmet Bag, la coutume était plus commune au milieu du 20ème siècle.

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« Les gens n’hésitaient pas à demander les restes d’un plat inachevé, » dit-il pensant aux coutumes dans son enfance. « C’était quelque chose qu’il était permis de faire, mais les Français sont devenus snobs et ne le réclament plus »

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Le sociologue M. Corbeau, remarque que cette première version du Doggie bag/Gourmet Bag était employée dans un cadre familial. Elle était parfois utilisée par les segments les plus pauvres de la société, un contexte qui permet de comprendre les connotations négatives d’aujourd’hui.

« Vous pouviez être perçu et stigmatisé comme une personne pauvre faisant la manche», a-t-il dit, se souvenant comment les gens sonnaient à la porte pour un petit don de nourriture quand sa grand-mère organisait de grands repas. « C’était un Gourmet Bag pour les mendiants. »

Même aujourd’hui, emporter les restes à la maison est en conflit avec l’attitude des Français envers la restauration. L’impression générale est que le Gourmet Bag est un phénomène américain, le résultat de portions géantes.

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«Contrairement à l’image que nous donnons de la France, le pays de la gastronomie où soi-disant les gens passent leur temps au restaurant, les Français ne mangent pas très souvent dehors », a déclaré Anne Lhuissier, sociologue à l’Institut National Français de la recherche agronomique qui a étudié les habitudes alimentaires et la consommation alimentaire en France.

«Les Français passent plus de temps que leurs voisins européens à préparer et à manger leurs propres repas et quand ils mangent dehors, » ajoute Mme Lhuissier, « ils savourent. »

Manger au restaurant est donc une expérience rare, à déguster sur place, et non pas à emporter dans une boite en plastique pour le réchauffer au micro-ondes plus tard

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2 Responses

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