Bien manger en Amérique
Si vous allez en Amérique et si vous faites un repas fin, ne le tenez pas pour acquis. Cela arrive, mais ce n’est pas courant. Mes impressions sur la nourriture américaine ne feront pas plaisir aux Américains. Je la trouve…médiocre.
Ma critique s’applique surtout aux caractéristiques communes qui ressortent de la cuisine de tous les jours dans les maisons et dans la plupart des restaurants américains, sans compter les innombrables fastfoods qui mettent à mal no papilles gustatives. Le pourcentage de la population américaine qui mange bien est infiniment petit.
Il y a bien sûr des exceptions. On peut bien manger à New York, Washington, San Francisco, Las Vegas et ailleurs. Mais il faudra y mettre le prix, alors qu’en France on mange raisonnablement bien un peu partout. En Amérique, quand on trouve un restaurant qu’en France on jugerait : « Pas mal », on se le passe de bouche à oreille. Alors, quand mes amis américains projetant de visiter Paris me demandent l’adresse d’un bon restaurant dans la capitale, connaissant la qualité gustative de ce que l’on trouve aux USA, je leur réponds : vous n’avez pas vraiment besoin de recommandations, sauf si vous voulez faire un repas exceptionnel alors…et je leur suggère quelques noms. Mais vous mangerez bien presque partout, même dans un simple café à Paris comme ailleurs en France.
S’il y a beaucoup à admirer sur le pays et ses habitants, la cuisine n’en fait pas partie. La cuisine est saine, de bonne qualité, mais pour celui qui connaît la cuisine française, la préparation et le goût n’y sont pas.
En dépit de ce que les Américains disent et pensent de leur cuisine dont ils parlent d’ailleurs avec une foison d’éloges gargantuesques et de superlatifs – car ils sont certains de bien manger – je trouve leur nourriture banale, répétitive et sans grand intérêt gustatif. La saveur est légère, passagère et fugace, elle manque de subtilité et de raffinement.
On est loin, très loin de la gastronomie. J’aime cuisiner et je le fais, je crois, raisonnablement bien. Je sais que cuisiner, c’est la préparation et l’accommodation subtile de divers ingrédients et saveurs dont les mélanges et la cuisson sont souvent complexes. Les Américains cuisinent peu, ils assemblent et mélangent beaucoup !
Lorsque les Américains parlent de cuisine, certains adjectifs sont employés sans distinction et passés à toutes les sauces. Je n’ai pas remarqué que les Américains aient le palais particulièrement sensible, mais lorsqu’ils apprécient ce qu’ils mangent même si sa saveur n’est que négligeable, c’est toujours délicieux, great, terrific – délicieux, formidable, sensationnel. On estampille facilement un plat ou un aliment, du terme de gourmet alors que c’est presque toujours une préparation somme toute assez banale. On griffe, par exemple, du gourmet coffee qui n’est qu’un mélange ordinaire américain.
J’ai beaucoup souffert de la nourriture en arrivant à New York, une ville pourtant sophistiquée. Tout au long de mes premières années, la cuisine me parut ordinaire et surtout fade :
– Le café Américain, c’était pour moi de l’eau chaude.
– On ne trouvait que du pain de mie blanc, sans croûte, sans consistance et sans beaucoup de goût.
– Les olives n’avaient aucune saveur.
– On ne buvait du vin qu’exceptionnellement, et ce, uniquement dans les restaurants chics de New York et d’autres grandes villes. De plus, le vin était très cher et plutôt ordinaire, à moins d’être importé de France ou d’Italie. C’était plutôt désespérant.
L’expresso devint éventuellement au goût du jour à New York et dans les grandes villes américaines, bien que ce ne fût au début qu’une sophistication.
Starbucks persévéra, mais en vint malheureusement à développer le Frappucino qui n’est rien d’autre qu’une boisson, genre fastfood : un simple milk-shake que les jeunes aiment boire au petit déjeuner ! Et que Starbucks vend également en bouteilles en association avec Pepsico.
Aujourd’hui, Starbucks a près de 11 000 établissements aux USA sans compter ceux partout ailleurs dans le monde. Ce qui ne veut pas dire que l’Amérique n’a que des adeptes de Starbucks. Dunkin Doughnut, une chaine crée dans les années cinquante et qui continue à servir un café américain traditionnel a plus de 6500 établissements aux USA.
Starbucks semble, réagir au fait que malgré son succès, un grand nombre d’Américains ne s’habituent pas au goût du café européen, et pour ne pas abandonner ce marché aux chaines tel que Dunkin Doughnut et autres cafetiers plus classiques, ils viennent de lancer une nouvelle moulure, un café au goût léger traditionnel, le Starbucks Blonde, pour disent-ils, répondre aux besoins des 54 millions de buveurs de café aux États-Unis qui disent préférer un café faible et légèrement torréfié.
Mais la fin des innovations démesurées américaines n’est toujours pas en vue. Il existe un petit groupe de cafetiers américains qui se disent appartenir à la troisième vague d’évolution du café. C’est ainsi qu’il existe toute une série d’établissements, l’un d’eux se nomme Intelligencia’s Coffee Shop. Il est à Vénice, près de Los Angeles en Californie où la queue n’a de cesse du matin au soir. Le tableau affiche une liste de régions et de fermes cafetières parmi ce qu’ils nomment des terroirs, où se cultivent les grains qu’ils emploient. Lorsque votre tour arrive, vous faites votre choix, et puis vous attendez que le «barista» apporte les grains de café que vous avez choisis. Il vous les présente, un peu comme un sommelier avec une bonne bouteille. Le «barista» moud les grains devant vous avant d’en remplir un filtre conique et de verser de l’eau chaude par dessus. Vous payez jusqu’à $6 et $7 pour une tasse !
Chassez l’américain, il revient au galop…
On voit aujourd’hui, tout du moins sur les côtes Atlantique et Pacifique, se développer un artisanat du café. C’est ainsi que je connais Willoughby’s à New Haven dans le Connecticut. L’établissement torréfie un très bon café, bien équilibré, sans âcreté et suffisamment corsé pour faire un très bon expresso.
Tout comme en France, on distingue également l’apparition d’une industrie de petites machines expresso pour la maison. Elles fonctionnent avec ou sans des capsules de café de toutes sortes. Des entrepreneurs malins ont su adapter l’idée de début du siècle de Kodak qui vendait des appareils de photo bon marché, mais faisaient leurs bénéfices sur les films…
Prochainement, je parlerai du pain.