Comment porter son échec à la boutonnière
Le New York Times
8 novembre 2014
Par CLAIRE MARTIN
Il y a cinq ans, inquiète de ses propres résultats en tant qu’entrepreneuse et découragée par un chœur croissant de fondateurs de start-up commémorant leurs triomphes à la Silicon Valley, Cassandra Phillipps cherchait âprement à connaître les expériences de ceux qui avaient échoué. Elle fonda donc FailCon, une conférence d’une journée à San Francisco pour célébrer l’échec.
La conférence fut un succès. Et chaque octobre pendant les quatre années suivantes, jusqu’à 500 Tech, aspirants de start-ups, se sont réunis en compagnie de vétérans de l’industrie qui racontaient leurs «plus grands échecs» et conduisaient des discussions en table ronde avec des titres tel que “Comment se comporter quand tout déraille. ”
Mais Mme Philipps affirme qu’une partie de la raison pour laquelle l’évènement FailCon à San Francisco a été annulé cette année est que les discussions sur l’échec sont devenues si répandues dans la Silicon Valley qu’une conférence semble presque superflue. «Échouer est maintenant dans le dictionnaire», dit-elle.
Selon les recherches de Shikhar Ghosh, maître de conférences en gestion d’entreprise à la Harvard Business School, de 30 à 40% pour cent des start-ups soutenues par du capital à risque dépensent la majorité ou la totalité de l’argent de leurs investisseurs, et de 70 à 80% ne réalisent pas le retour sur investissement projeté.
L’échec est en train d’émerger comme une médaille parmi certains start-ups de Silicon Valley tandis que les entrepreneurs trompettent publiquement comment ils ont, tête baissée, fait face à l’adversité.
Dans un billet de blogue intitulé “Aujourd’hui ma start-up a échoué,” l’entrepreneur de la Silicon Valley Chris Poole n’a pas mâché ses mots pour décrire la disparition de son entreprise DrawQuest, une application sur un jeu de dessin. “Pas d’atterrissage en douceur, pas de fin heureuse – nous avons simplement échoué,” a écrit M. Poole en février.
Dans les 720 mots qui suivirent, son ton devint celui d’une confession. « Peu en affaires peuvent comprendre la douleur de ce que l’échec représente pour un chef de direction d’une société soutenue par des investisseurs de capital à risque», écrit-il. « Cela s’est produit juste après l’échec du lancement de ma start-up précédente ». (qui suivait juste après l’énorme succès de 4chan, un forum de messagerie anonyme en ligne.)
Poole a expliqué à ses lecteurs que bien que l’application DrawQuest ait été téléchargée 1,4 million de fois, l’entreprise ne pouvait pas survivre. «Cela peut surprendre qu’un produit apparemment réussi puisse échouer», écrit-il. « Mais cela arrive tout le temps».
Il n’est pas le premier à avoir disséqué publiquement son propre échec entrepreneurial. Des articles de blogue comme le sien sont devenus courants dans le monde des start-ups de la Silicon Valley.
Une des premières déclarations en réponse à ce genre d’articles était celle de Jordan Nemrow, dont l’application Zillionears.com permettait aux musiciens de vendre leur musique directement aux utilisateurs par le biais de ventes à court terme appelées Flash sales. M. Nemrow écrit que Zillionears.com avait implosé parce que «les utilisateurs, à l’exception d’un seul, N’AIMAIENT PAS notre produit». Il a ajouté: «Aucun de ceux qui utilisèrent le service ne le trouva cool ».
Après que le poste du blogue soit pris d’assaut, un étrange phénomène s’est produit. “Nous avons reçu environ 100 000 visites en un seul weekend sur le blogue de notre application. Elles donnèrent lieu à 10 000 visites de notre application», dit M. Nemrow. “, nous n’avions pas reçu auparavant plus de 100 visites.
Mais malheureusement pour lui, après qu’il ait retiré Zillionears.com à cause de ses horribles performances, il était trop tard pour traduire la frénésie d’intérêt en ventes. La société avait déjà fait faillite.
Nemrow a poursuivi en décrivant les faux pas de l’entreprise dans une interview sur un site Web, The Startup Sessions. Puis avec son cofondateur, Dan Polaske, il a continué à converser sur les défauts dans une vidéo sur YouTube.
Au-delà de la Silicon Valley, l’enthousiasme pour les échecs de démarrage ne fait pas fureur, ce qui a présenté Mme Phillipps avec une autre opportunité commerciale. Il y a quatre ans, elle commença l’expansion de franchises de FailCon pour un montant de $1 500 en dehors des États Unis ; parmi eux le Brésil, le Japon, l’Iran, l’Arabie Saoudite et Israël. Et à Toronto, une compagnie appelée Fail Forward [Après Coup Positifs de l’échec] offre ses conseils aux entreprises intéressées à examiner et à s’instruire à la suite de leurs échecs. En juillet dernier Fail Forward a mené une conférence ressemblant à FailCon.
«Personne ne veut échouer», dit Ashley Good, directeur général et fondateur de Fail Forward. “C’est terrible. Vous ne m’entendrez jamais dire : c’est terrible ! pour célébrer un échec. “Mais, a-t-elle ajouté,” échouer intelligemment est une compétence de plus en plus essentielle. ”
Mme Good est à la recherche de manières par lesquelles l’attitude envers l’échec peut être changé en utilisant un langage différent, plus positif, mais sans oublier de maintenir la différence entre le moi et les activités.
« Vous devez vous dire, parce que j’ai foiré ne veut pas dire que je suis un raté», explique Mme Good.
Elle voit un avantage dans les autopsies comme celles à la mode à la Silicon Valley, mais elle ajoute que les mea culpa n’ont aucun sens si les créateurs d’entreprises n’emploient pas les conclusions obtenues pour apprendre et changer.
Nemrow de Zillionears.com dit que quand les gens ont vu la popularité des articles comme les siens, ils ont commencé à réfléchir que s’ils pouvaient exposer comment leur propre entreprise avait sombré, «tout le monde suivrait ».
Il réalisa en examinant les autres chroniques publiées, que si une idée n’avait été qu’à moitié conçue ou si les efforts dépensés manquaient d’enthousiasme, cela n’avait pas grande importance. L’échec peut être un booster sur un curriculum vitae et le bilan en ligne une carte de visite.
Mme Phillipps dit qu’elle a également noté cette tendance. “Tellement de gens travaillent sur une start-up pendant six mois et concluent: «Eh bien, puisque cela n’a pas marché. Je passe à mon idée suivante», dit-elle. «Est-il nécessaire de publier sur l’internet un article de 10 pages pour expliquer tout ce que vous avez appris de vos six mois d’échec? »
Au cours de ces cinq années passées à gérer FailCon en projet à part tout en poursuivant d’autres emplois à plein temps, Mme Phillipps acquit une bonne dose de sagesse entrepreneuriale. Dans ses fonctions présentes de conceptrice de jeu pour la société de jeux mobiles Pocket Gems, elle affirme qu’elle suppose toujours que les nouveaux produits créés par son group feront défaut de plus d’une façon. Ils découvriront un employé problématique dans le groupe, par exemple, ou alors les produits recueilleront des critiques négatives de l’utilisateur. Le produit qui n’a pas rencontré ces obstacles n’existe pas », ajoute-t-elle.
Mme Phillipps et son équipe préparent des plans préventifs sur la manière de traiter ces problèmes et d’autres encore. Ils remuent leurs méninges font des brainstormings sur des solutions spécifiques et mettent en place des systèmes d’alarme qui les alerteront si un fiasco se produit.
À certains égards, le succès de FailCon a créé un dilemme pour Mme Phillipps. Les trois dernières conférences à guichet fermé réunirent une audience de 400 à 500 personnes qui ont payé 100 $ à 350 $ pour participer. Et FailCon a attiré des sponsors de renom, y compris Amazon, Comcast et Microsoft. Elle rapporte que la conférence a été financièrement rentable, mais que l’acceptation de l’échec par la Silicon Valley dépasse le format de FailCon et qu’une conférence d’une journée ne semble plus être la meilleure solution.
Alors, elle vise à redémarrer FailCon. Elle se tournera peut-être vers de petits ateliers interactifs où l’on assistera uniquement par invitation. FailCon 2.0 doit faire ses débuts en octobre 2015.
Les entrepreneurs ont encore à apprendre sur l’échec parce que les incubateurs de technologie de la Silicon Valley, n’informent généralement pas les start-ups sur la façon de se préparer, explique le Dr Michael A. Freeman, professeur de psychiatrie à l’Université de Californie à San Francisco. Il travaille avec des entrepreneurs de start-up technologiques. Affilié au Entrepreneurship Center, le Centre entrepreneurial à l’université, il a dirigé l’an dernier un atelier intitulé « First Aid For Failure », Premiers Secours pour l’Échec, ” au FailCon de San Francisco.
Il remarque que l’échec a été « amplement accepté et de-stigmatisé » sur le plan culturel dans la Silicon Valley et dans la région de la baie de San Francisco, même si sur le plan individuel, l’échec peut encore être difficile à accepter.
En compagnie de chercheurs de l’Université de Californie à Berkeley, il est en train de mener une étude sur le revers et la réussite chez les entrepreneurs. «Nous recevons un milliard de dollars par mois en argent frais d’investisseurs de la région», explique le Dr Freeman, cofondateur d’une organisation non lucrative et d’une start-up. Certains investisseurs croient que si vous échouez et si vous avez le courage de recommencer, vous ne serez pas endommagé personnellement au point de perdre votre persévérance dans les affaires, et que vous demeurerez combatif.