Éloge du système des maternelles en France où  la garderie est le droit de tous les enfants

 

Par Hillary Rodham Clinton;

Publié le 7 avril 1990 dans le New York Times

Alors que les français critiquent tant leur système politique et ses avantages sociaux, voici un point de vue américain qui met en lumière et clarifie un important atout du système français qu’il est facile de prendre pour acquis et de minimiser. Après tout, les enfants ne représentent-ils pas l’avenir de la France ?

Juriste spécialisée dans les questions d’éducation et de protection de l’enfance, Hillary Rodham Clinton était présidente du conseil d’administration du Fonds de défense des enfants à Washington lorsqu’elle effectua en 1989 un voyage d’études en France. Peu après, elle publiait dans le New York Times une tribune où elle faisait l’éloge du système français de prise en charge des enfants. Selon elle, le système français a l’avantage de combiner la garde des enfants, leur éducation et leur santé. De plus, souligne-t-elle, ces champs d’action sont reconnus comme des missions de service public par l’État.

LITTLE ROCK, Arkansas.- Dix ans après que les États- Unis se soient lancés dans une discussion des Family values, les valeurs de la famille, beaucoup se demandent pourquoi nous sommes toujours dans l’impossibilité de fournir une éducation décente, des soins de santé et des circonstances adéquates pour tous les enfants.

La Chambre et le Sénat des États-Unis sont sur le point de débattre la législation sur la garde des enfants et examiner un éventail d’options. À ce moment charnière, on a beaucoup à apprendre en comparant le système de garde d’enfants de l’Amérique à celui de la France. Bien sûr, étant donné les différences de philosophies politiques et les structures fiscales entre nos nations, il n’est pas question de reproduire textuellement le système français.

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Je me suis jointe récemment à une équipe d’étude composée de professionnels de la garde d’enfants qui ont passé deux semaines en France, sous les auspices de la French-American Foundation [Fondation Française-Américaine], qui favorise divers liens entre les deux nations.

Notre groupe comprenait un pédiatre, un aide du Sénat, un fonctionnaire du gouvernement de l’État, des universitaires, des administrateurs de maternelles et des représentants des syndicats et des affaires. Nous avons rencontré et dialogué avec les responsables du ministère, les titulaires élus, des éducateurs, des professionnels de la santé et des entreprises, et des représentants de la main-d’œuvre.

Ce que nous avons vu était, un système coordonné et complet, soutenu par l’ensemble du système politique, qui relie les soins dispensés par les jardins d’enfants, l’éducation précoce et les soins de santé – et qui est également accessible à pratiquement tous les enfants.

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Beaucoup plus importantes, cependant, sont les croyances répandues en France que les enfants sont une ressource nationale précieuse pour laquelle la société a une responsabilité collective, et qu’un des objectifs d’un système de garde d’enfants est d’aider les enfants à se développer et à prospérer.

Nous avons trouvé de forts contrastes entre les systèmes de garde d’enfants français et américains.

En France, un congé parental qui est mandaté et payé à la naissance de l’enfant ou au moment de l’adoption reconnaît l’obligation de la société à entretenir de solides liens entre parents et enfants.

Aux États-Unis, où seuls quelques États exigent que les employeurs accordent un congé parental à la naissance ou à l’adoption d’enfants et généralement sans émolument, le coût et le bouleversement causé par une naissance est considéré un choix et une responsabilité privés.

La France, où les services préventifs de santé sont intégrés aux programmes de garde d’enfants, se classe au quatrième niveau le plus bas de mortalité infantile parmi les nations industrielles. Les États-Unis, où les services de garderie d’enfant et de soins de santé sont en grande partie séparés, se classe 19ème du niveau plus bas.

Les salaires des enseignants du préscolaire et de l’école élémentaire française sont comparables et les enseignants reçoivent une formation subventionnée. En conséquence, le taux de renouvellement des enseignants préscolaires est faible.

 

Aux États-Unis, où les salaires et les niveaux de formation sont faibles, le renouvellement annuel du personnel de maternelles est de 40 pour cent ou plus.

 

En France, pratiquement tous les enseignants des garderies à domicile sont licenciés et reçoivent des prestations, y compris la sécurité sociale, les congés de maladie payés, les vacances payées, et jouissent de la visite régulière d’infirmières pédiatriques spécialement formées.

 

Les parents américains ont deux fois plus recours à la garderie à domicile qu’aux soins dans un centre, mais ils ont du mal à trouver de tels arrangements. On estime que 90 pour cent des opérations de garderie à domicile aux États-Unis ne sont ni licenciées ni surveillées, et le taux de renouvellement des employés est de 60 pour cent.
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Il fallut des années pour mettre en place le système français, tout comme fut l’accent mis sur les besoins et les perspectives des enfants.

 

Aujourd’hui, le système va bien plus loin que notre système en dispensant les bases intellectuelles et les compétences sociales des enfants dont ils auront besoin pour réussir à l’école primaire, l’école secondaire et la vie d’adulte.

 

Tout au long des années 1980, le débat sur la garde des enfants aux États-Unis a semblé se concentrer sur les « valeurs familiales ». Cela suppose que seuls les parents en personne ou par l’entremise du marché peuvent déterminer et fournir ces valeurs ainsi que ce qui est préférable pour leurs enfants et, par conséquent, pour la société.

Mais ce point de vue a permis à notre gouvernement et, dans une mesure beaucoup plus grande aux entreprises, d’ignorer les besoins des enfants américains et de leurs parents. Ce point de vue réduit aussi la mesure dans laquelle les réalités économiques déterminent l’accès aux services de qualité pour la garde d’enfant.

 

La garde des enfants n’est pas seulement une affaire de famille. Il nous faut, pour faire justice aux enfants et au pays, développer un consensus national sur la façon d’élever nos enfants le mieux possible, et, grâce à ce consensus, éviter les coûts personnels et sociaux que nous payons tous lorsque les besoins des enfants ne sont pas remplis.

 

Avant de nous enfermer dans une politique des services de garde d’enfants improvisée et inadéquate, nous devons considérer la valorisation des enfants, à la Française.

 

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