L’année où j’appris à donner ma démission

L’année où j’appris à donner ma démission 

Par Christine Bader

27 avril 2018

Ce dimanche, c’est le Marathon de Big Sur,pour lequel je me suis engagée avec mon mari et mon père en juillet dernier et pour lequel je me suis entraînée depuis pas mal de temps… Et finalement, je n’y participerai pas. J’ai couru 17 miles, puis tout s’est effondré à la suite d’une forte douleur dans le tibia gauche et des élancements  dans les deux genoux.

J’ai pris deux semaines de repos, faisant diligemment les exercices quotidiens prescrits par mon physiothérapeute. À mon retour, j’ai réussi deux petites courses faciles et une de 10-miles, mais la douleur est revenue

Une partie de moi savait qu’il était temps d’arrêter, mais le reste de moi ne voulait pas y croire. Tous les articles que j’ai trouvés sur les sites Web sont sur la  façon de récupérer d’une blessure et de franchir la ligne d’arrivée, mais rien sur comment rester à l’écart.

Je me suis finalement donné la permission d’abandonner – et je me rends compte que c’est tout à fait conforme au reste de la vie que je mène en ce moment, puisque j’apprends l’art d’abandonner.

Je ne parle pas des histoires spectaculaires qui sont en vogue sur #epicfail avec des entrepreneurs qui partagent leurs expériences d’atterrissage forcé crash-and-burn,tel un rite de passage auxFailConspartout dans le monde.

Je parle de démission avant que la situation ne devienne difficile. S’incliner. Ne pas se pousser au-delà de ce que l’on pense être  ses limites.

Pas très américain, n’est-ce pas?

Et de plus: L’année dernière, j’ai démissionné de ce qui, sur papier, paraissait être la fonction de rêve que je m’étais efforcée d’atteindre pendant la plus grande partie de ma carrière: j’ai depuis 15 ans travaillé dans le domaine de la responsabilité sociale des entreprises et j’ai eu la chance de diriger cette fonction chez Amazon.

Mais cela ne s’est pas avéré être parfait, notamment parce que durant mes 22 mois dans ce rôle, mes jumeaux se sont métamorphosés de bébé sans voix en de petites personnes fascinantes et merveilleuses. (Ils ont maintenant 5 ans.) Mes heures étaient gérables, mais je n’étais pas aussi présente à la maison que je voulais l’être.

Pourrais-je avoir “tout obtenu”? Bien sûr j’avais le gros lot: j’avais un mari au foyer qui me soutenait, un salaire d’entreprise et de nombreux autres parents comme modèles de travail, pleins amis et ma propre éducation.

 

 

Je n’ai jamais rien laissé tomber. Jamais. J’ai toujours été intégrale, j’ai été celle qui mène un projet à bonne fin, celle qui fixe des buts ambitieux et les atteint. J’ai couru mon premier marathon en écrivant mon premier livre l’année après avoir eu des jumeaux, pour l’amour de Dieu !

 

Mais quand j’ai fait une pause pour bien considérer quoi faire et que j’ai cessé de gérer activement la logistique et suis passé par la proverbiale souffrance – j’ai su que ce n’était pas satisfaisant.

Alors j’ai démissionné.

Cela m’a fait mal de quitter l’équipe que j’avais construite et de penser à ce que nous aurions pu accomplir ensemble, mais la qualité et la quantité de temps que je passe avec ma famille et avec moi-même depuis lors, l’emportent de loin sur mes regrets.

Il s’avère que mon départ ne s’est pas arrêté là. Je me suis, pour la première fois, éloignée des brouillons à moitié finis qui demandaient plus de travail. J’ai refusé des projets de consultation que j’aurais pu faire les yeux fermés – parce que je ne veux plus rien faire les yeux fermés.

Je sais que c’est un luxe énorme de pouvoir choisir de ne pas travailler même pendant une courte période. Mais je me rends également compte qu’il faut appuyer sur le bouton de pause de temps en temps.

Wayne Muller, l’auteur de “Sabbath”, a écrit sur la façon dont les cultures à travers l’histoire ont reconnu l’importance du calme et de la régénération.: La création du monde a été complète après que Dieu se soit reposé le septième jour, pas avant.

Muller m’a fait remarquer que les cycles de repos et d’activité ne sont pas automatiques dans la nature. “Les ours ne pensent pas, ‘Mon vieux, je n’ai pas le temps, je dois hiberner! Je suis un peu trop occupé pour aller m’endormir cette année, mais pour sûr je le ferai l’année prochaine. ”

 

 

 

 

Les plantes et les animaux ne retardent pas l’hibernation jusqu’à ce qu’ils aient terminé une dernière chose sur leur liste; ils doivent s’arrêter afin de vivre une nouvelle saison. Notre culture hyperactive commence à reconnaître l’importance de dormir suffisamment et de débrancher nos appareils.

Je m’active à trouver le bon équilibre entre littéralement et métaphoriquement m’asseoir sur le canapé, et honorer mon besoin de rester active et de  canaliser mon énergie. J’ai suivi un cours sur l’art, j’ai intensifié ma lecture de fictions. Je suis retournée à la retraite,à l’épanouissement des femmes, que j’ai trouvé utile dans le passé comme structure de réflexion.

La cofondatrice de la retraiteComing Into Your Own women’s, Barbara Cecil, pratique une journée de silence tous les mois, dédiée à “écouter de l’intérieur, plutôt que de faire ce qui est sur sa liste”.

Maintenir ce que Mme Cecil appelle une «constante règle d’espace» est particulièrement important pour les gens comme moi qui se trouvent à la croisée des chemins, et peuvent être tentés de penser à leur avenir et à  l’organiser.

«Vous ne pouvez pas tracer votre chemin dans une vie où les facteurs externes, ce que vous faites, ceux avec qui vous êtes et là où vous vivez correspondent à votre âme», a-t-elle dit. “Cette équivalence n’est accessible que par une plus profonde écoute. Organiser c’est exclure un certain niveau d’écoute, parce que les réponses n’apparaissent généralement que quand il y a de l’espace. Souvent, un plan n’est pas vivant. ”

Muller écrit aussi à propos de l’idée de kairos des anciens Grecs, traduit approximativement par le moment juste ou opportun: «Les Grecs avaient compris la différence entre le temps de l’horloge et l’expérience de la vie dans le temps», m’a-t-il dit. «Le temps de l’horloge a son propre style de tracé militaire, en dépit de tout ce qui se présente; alors que kairos est le moment qui accepte d’être interrompu par l’immaturité de ce sujet à ce moment-là”. Pour massacrer le concept de kairos dans le langage moderne: mon poste de travail aurait probablement été approprié à un autre moment de ma vie; je ferai un marathon un autre jour et je franchirai la ligne d’arrivée.

Je suis bien sûr toujours en colère de m’être engagée sur Big Sur après des mois de préparation, et ce en dépit des vagues de doutes ; pour l’avoir abandonné ainsi que  tout ce que j’ai abandonné au cours de la dernière année. Et je réalise que je serai pleine de regrets le jour de la course lorsque mon père et mon mari monteront dans le bus des coureurs avant l’aube et rentreront à la maison avec des médailles. Mais j’apprends à me satisfaire de m’allonger et de me reposer sur ce que M. Muller appelle le «hamac de la suffisance». Je peux toujours essayer à nouveau l’année prochaine. Ou pas.

Christine Bader (@christinebader) est l’auteure de “L’évolution d’un idéaliste d’entreprise: quand une fille rencontre le pétrole”. Elle travaille actuellement très peu, basée à Seattle.

 

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