Le pétrole bon marché : bon ou mauvais ?
By GRETCHEN MORGENSON
New York Times 17 Janvier 2015
Willinston ND. La faiblesse des prix du pétrole est une mauvaise nouvelle pour les villes champignons comme Williston, dans le Dakota du Nord, mais pourrait être une aubaine pour l’économie globale américaine.
La forte baisse des prix du pétrole sera bénéfique pour les consommateurs américains, pour de nombreuses entreprises du pays et pour l’économie dans son ensemble. Alors pourquoi les investisseurs se comportent-ils à la bourse comme si à moins de 50 dollars le baril et les prix de l’essence oscillant autour de 2 dollars par gallon sont de mauvaises nouvelles?
La baisse récente de l’ensemble du marché reflète bien plus que la chute libre des prix du pétrole. Les économies d’outre-mer sont en difficulté; la semaine dernière, la Banque Mondiale a réduit ses prévisions de croissance mondiale de 3.4 à 3%.
Mais les craintes concernant les pertes émanant des champs de pétrole dévastés ont pesé lourdement sur les grands indices boursiers, disent les stratèges. Cette réponse semble être une situation où les investisseurs saisissent les perdants les plus visibles de l’industrie tout en ignorant le plus grand nombre de gagnants.
« La réponse négative du marché boursier est due à la visibilité des entreprises énergétiques », a déclaré Paul Ashworth, économiste en chef pour l’Amérique du Nord chez Capital Economics à Toronto. « L’impact positif qui se propage dans le reste de l’économie est initialement plus difficile à voir ». Mais le grand avantage pour les consommateurs n’est pas aussi facile à dénoter ».
Depuis le début de 2015, les moyennes générales du marché ont perdu environ 2 pour cent de leur valeur. L’effondrement de la part des compagnies pétrolières a bien sûr, été beaucoup plus importantes.
L’indice Standard & Poor de 80 sociétés d’exploration pétrolière et gazière, est en baisse de 11,14 % en 2015 et 35,4% pour les 52 dernières semaines. L’indice Standard & Poors de six grandes entreprises de services pétroliers a diminué de 5,2 % jusqu’ici cette année, et de 12,4 % pour l’année dernière.
Les deux indices reflètent la douleur indéniable que vont ressentir les producteurs de pétrole et de gaz, leurs investisseurs, fournisseurs, prestataires de services, travailleurs et prêteurs.
Les annonces de licenciements, les divulgations de réductions de dépenses en capital et la chute du nombre de plates-formes sont toutes très visibles pour les investisseurs. Ainsi que les malheureuses histoires anecdotiques d’anciennes villes champignons dans le Dakota du Nord.
Moins visibles, cependant, sont les gagnants dans un monde où le pétrole est moins cher, disent les économistes. Les bonnes nouvelles sont que les gagnants sont beaucoup plus nombreux que les perdants.
Avril Smith de Lewiston, dans l’état du Maine dit que la baisse des prix du pétrole signifie un pain de viande sur la table au lieu de hot-dogs et des pâtes.
David R. Kotok, responsable des investissements de Cumberland Advisors à Sarasota, en Floride estime que l’activité économique dans les compagnies pétrolières et les entreprises connexes pourrait diminuer de 150 milliards de dollars cette année en raison de l’effondrement des prix du pétrole. Mais une augmentation d’environ $ 400 milliards est prévue dans d’autres domaines de l’économie , a-t-il dit. L’effet net produit est le double de la valeur annuelle de la réduction d’impôt de 2% en 2011 et 2012, qui prévoyait une forte augmentation des dépenses de consommation.
“La première réaction du marché boursier à n’importe quelle commotion est de ne pas l’aimer parce qu’elle augmente le taux d’incertitude”, a déclaré M. Kotok. “Entre temps, les effets bénéfiques agissent sur une plus longue période, et la permanence du changement est perçue plus tard. La différence entre temporaire et permanent peut expliquer le comportement des marchés boursiers. ”
Nous avons entendu de fréquentes nouvelles sur les sociétés mises en veilleuse et de leurs projets qui ne sont plus économiquement viables: la semaine dernière, par exemple, Royal Dutch Shell a annulé $ 6,5 milliards d’un accord d’usine pétrochimique, contracté en 2011 avec Qatar Petroleum.
En attendant, peu parmi les grandes compagnies pétrolières qui doivent planifier à long terme, et construire dans l’attente que les prix finissent par rebondir ont divulgué leurs plans de dépenses pour 2015.
ConocoPhillips, qui a établi le sien dit qu’elle envisage d’investir 13,5 milliards de dollars une baisse de 20 % sur l’investissement en 2014. Une grande partie de cette baisse est le résultat de plus faibles dépenses sur des projets d’énergie non conventionnelles, a indiqué la compagnie.
Une autre carte joker dans l’évaluation de l’impact de la baisse du pétrole est l’industrie du pétrole de schiste. Parce que l’économie des forages horizontaux et de fracturation hydraulique n’est pas la même que celle des puits traditionnels, on ne sait pas clairement comment les investissements et la production dans cette industrie seront affectés par la baisse du pétrole.
Andrew Hunter chez Capital Economics à Londres a noté dans une analyse la semaine dernière que de nombreux projets de gaz de schiste ont des coûts d’exploitation variables à court terme qui peuvent n’être que de $ 20 le baril. D’après lui, la production dans ces projets ne sera pas nécessairement arrêtée simplement parce que les prix du pétrole ont chuté à $ 45 le baril.
On s’attend bien sûr, à une réduction importante dans les dépenses d’investissement de l’industrie et le nombre de travailleurs qu’elle engage. L’emploi total dans l’industrie pétrolière – y compris les services de pétrole et d’extraction de gaz et les services de soutien – a été de 528 000 en moyenne en 2014, selon Rigzone, un fournisseur de données de l’industrie.
«Mon sentiment est qu’en 2014, les entreprises d’énergie ont dépensé plus de 200 milliards de dollars, principalement pour les structures, mais aussi pour l’équipement», a déclaré Ian Shepherdson, économiste en chef chez Pantheon Macroeconomics. Il s’attend maintenant à ce que ce chiffre tombe au moins de moitié.
Ce n’est pas de la petite monnaie, mais les réductions de capital seront faibles comparée aux $17 000 trillons de notre économie. Et même si l’industrie perdait la moitié de ses emplois, et ce ne sera pas le cas, cela n’équivaudrait qu’à l’équivalent de moins d’un mois de gain de l’économie globale, qui a d’ailleurs ajouté environ 275 000 emplois par mois l’an dernier.
“Cela réduit donc à très peu tout résultat dans le secteur des affaires du pétrole, des dépenses de capital et des services pétroliers”, a déclaré M. Shepherdson.
Les investisseurs semblent aussi ignorer les bienfaits du pétrole bon marché pour les petites entreprises. En décembre, alors que le prix du pétrole était en baisse, l’index d’optimisme de la National Federation of Independent Business’s, NFIB, [la Fédération Nationale de l’Indice d’Optimisme des Entreprises Indépendantes] est remonté à sa moyenne d’avant la récession et a même atteint le niveau le plus élevé depuis octobre 2006.
Les propriétaires de ces entreprises disent qu’ils augmenteront leurs dépenses d’investissement cette année. L’enquête trimestrielle la plus récente de la NFIB a démontré que les dépenses d’investissement parmi ces entreprises sont au niveau le plus élevé des sept dernières années. C’est un autre facteur qui contribuera à compenser la baisse des dépenses de pétrole et de gaz.
Les bénéfices économiques globaux de l’effondrement des prix du pétrole sont importants, dit M. Shepherdson. Il a prédit qu’ils pourraient contribuer près de 1% à la croissance réelle du produit intérieur brut des États-Unis cette année. Dans une économie dont la tendance à la croissance annuelle est de 2,25 %, c’est un gain considérable.
“Le secteur du pétrole et tout ce qui en dépend n’est qu’une très petite part de l’économie”, a déclaré M. Shepherdson. “Pourrait-elle être de plus de 5 % du PIB? Non, et les autres 95 % de l’économie lui disent: «Merci beaucoup.»