Les immigrants illégaux heurtent-ils l’économie américaine?
Traduit du New York Times Magazine
Adam Davidson traduit souvent des nouvelles économiques et financières qui portent à confusion et sont parfois terrifiantes.
Plus tôt ce mois-ci, j’ai rencontré Pedro Chan à son petit appartement au-dessus d’une église évangélique dans le quartier de Brooklyn Sunset Park. Chan, qui partage l’appartement avec trois autres personnes est un homme ramassé et musclé. Il a une voix calme et une conduite patiente qui semble lui avoir bien servi au cours de son périple jusqu’à New York. Il a quitté son village guatémaltèque en 2002, pour un long voyage, traversant le Mexique et, avec l’aide d’un passeur, passant la frontière du Texas. Il est arrivé à Brooklyn en 2004. Son oncle l’a aidé à trouver du travail dans de petites équipes de construction.
Ces temps-ci, Chan aide des menuisiers, des électriciens et des installateurs de stuc qualifiés (et entièrement documentés) à faire leur travail en transportant de lourds objets et en faisant le nettoyage du site de travail. Pour sa contribution, il gagne jusqu’à 25 000 dollars par an, ce qui est considérablement moins que le salaire d’entrée moyen des 100 000 travailleurs documentés de la construction à New York. Le patron de Chan, qui a parlé sous condition d’anonymat, a déclaré qu’à moins qu’il ne se qualifie dans une aptitude spécialisée, Chan ne pourra jamais grimper dans l’échelle des revenus.
Tant qu’il y aura des milliers de travailleurs sans-papiers qui postuleront des emplois bas de gamme, les salaires seront plus susceptibles de tomber que de s’élever.
Alors que le congrès débat les contours d’une réforme de l’immigration, de nombreux arguments économiques ont été avancés. Il y a ceux qui suggèrent que les travailleurs sans-papiers aident à baisser les salaires et prennent des emplois qui autrement iraient aux Américains. Pire encore, selon cet argument, beaucoup de travailleurs illégaux profitent des programmes sociaux, tels que les hôpitaux et les écoles, que les contribuables paient et qui s’ajoutent à notre dette nationale de seize milliards de dollars. Expulser Pedro Chan et les 11 autres millions de travailleurs sans-papiers signifierait-il plus d’emplois, moins d’impôts et une économie plus forte?
Indéniablement, l’immigration clandestine a quelques effets économiques négatifs.
Les travailleurs qualifiés nés aux USA sont confrontés à devoir accepter une moindre rémunération ou à ne pas travailler dans cette industrie.
Les économistes spécialisés dans les métiers en sont venus à conclure que les travailleurs sans-papiers ont réduit les salaires des adultes sans diplôme d’études secondaires – soit 25 millions d’Américains – par un rapport qui se situe entre 0,4 et 7,4 %.
L’impact sur tout le reste des citoyens est cependant étonnamment positif. Giovanni Peri, économiste à l’Université de Californie – Davis, a écrit une série d’articles révélateurs comparant le marché du travail dans les États où l’immigration est faible à ceux où elle est élevée.
Il en a conclu que les travailleurs sans-papiers ne sont pas en compétition avec les travailleurs qualifiés – bien au contraire ils les complètent. Tel qu’Adam Smith l’a fait valoir dans Wealth of Nations, [la richesse des nations], les économies qui fonctionnent le mieux sont celles où les travailleurs se spécialisent et se répartissent les tâches. La capacité de Pedro Chan à prendre en charge les tâches de routine sur un site de travail permet aux menuisiers et aux électriciens de se concentrer sur ce qu’ils font le mieux. « Dans les États où le nombre de sans-papiers est le plus élevé », dit Peri, « les travailleurs qualifiés gagnent plus d’argent et travaillent plus; la productivité de l’économie progresse donc. De 1990 à 2007, les travailleurs sans-papiers ont permis jusqu’à 10% d’augmentation des salaires des emplois complémentaires légaux.
J’ai vu ce fonctionnement en action lorsque Chan m’a amené à son lieu de travail, un immeuble de bureaux de deux étages sur Coney Island Avenue. Les travailleurs qualifiés avaient terminé l’installation du plancher dans le bureau d’un avocat et étaient en route pour le prochain chantier. Il ne restait plus que Chan pour nettoyer les débris et installer un nouveau w.c.
J’ai pu constater en regardant autour de moi que nous étions à une des extrémités d’une réaction en chaine économique.
Le patron de Chan n’avait pas à payer un travailleur hautement qualifié pour effectuer des tâches de base. Cela réduisait le coût global de la construction, augmentant le nombre d’emplois que l’entreprise pourrait utiliser, ce qui signifiait plus de clients et plus d’argent. Cela m’a rappelé la façon dont de nombreux restaurants fonctionnent : sans les tâches routinières accomplies par des clandestins, le prix des repas qui inclut le coût de la main-d’œuvre serait plus élevé. Il en découlerait également moins d’emplois pour les serveurs et les cuisiniers.
Plus tôt ce jour-là, je me suis souvenu d’un autre fait rarement discuté sur la vie des immigrants aux États-Unis. Ils dépensent la majorité de leurs gains.
Chan avait détaillé ses dépenses mensuelles: 400 $ par mois de loyer, 30 $ de plus pour le gaz, l’électricité et l’Internet. Chan envoie de l’argent au pays et essaie d’économiser quelques milliers de dollars par an dans son compte bancaire Citibank, mais il finit par dépenser plus de 10 000 dollars par an. Cela comprend les quelques $1400 qu’il paie en impôts, afin qu’il puisse avoir une carte d’identité fiscale qui lui permet d’avoir une notation de crédit afin qu’il puisse louer un appartement ou une voiture.
Il y a plusieurs façons de débattre de l’immigration, mais du point de vue économique, il n’y a pas de débat. Presque tous les économistes, de toutes tendances politiques, s’accordent à dire que les immigrés – qu’ils soient légaux ou non – contribuent à l’économie globale. « C’est sans discussion », m’a dit Heidi Shierholz, économiste à l’Economic Policy Institute. Shierholz a également déclaré « qu’il est généralement admis qu’en moyenne, grâce à l’immigration le revenu des familles américaines est augmenté par un montant, petit, mais nettement positif ».
L’avantage se multiplie à long terme. Quand les baby-boomers prennent leur retraite, le fardeau de la génération post-boom pour financer leur retraite est fortement atténué par les immigrés clandestins. Stephen Goss, actuaire en chef de la Social Security Administration, [l’administration de la sécurité sociale] m’a dit que les travailleurs sans-papiers contribuaient grâce à leurs cotisations sociales environ 15 milliards de dollars par an à la sécurité sociale. Ils n’en ressortent que $1 000 000 000 (très peu de travailleurs sans papiers sont en effet admissibles pour recevoir des prestations). Au fil des ans, les travailleurs sans-papiers ont contribué jusqu’à 300 milliards de dollars, soit près de 10%, du Social Security Trust Fund de $ 2,7 trillions, le fonds de la sécurité sociale.
Le problème est cependant que les sans-papiers ne sont pas réparties uniformément. « Dans des endroits tels que le sud du Texas et de l’Arizona et même certaines parties de Brooklyn, les immigrants illégaux imposent un coût net important aux gouvernements locaux et à ceux des États », dit Shierholz. Les immigrants utilisent l’assistance publique, les soins médicaux et les écoles. Certains quartiers immigrés ont un taux de criminalité particulièrement élevé. Jared Bernstein, un membre duCenter for Budget and Policy Priorities [Centre de priorités budgétaires et politiques], m’a dit que ce sont aussi des lieux où les travailleurs les moins instruits sont les plus susceptibles de faire face à une rude concurrence des immigrants. Il n’est pas étonnant que tant de fureur politique provienne de ces régions.
« Les travailleurs sans-papiers représentent un enjeu économique classique avec une solution assez simple. Les immigrants apportent des avantages diffus et difficiles à voir pour les Américains moyens, tout en imposant des coûts plus tangibles pour quelques-uns », dit Shierholz. La valeur en dollars des avantages l’emporte largement sur les coûts, de sorte que le gouvernement pourrait simplement transférer des fonds supplémentaires pour les populations locales qui ont besoin d’aide supplémentaire. Une proposition simple devrait accorder l’amnistie aux travailleurs sans-papiers, ce qui créerait une augmentation soudaine des paiements d’impôts. Le gouvernement fédéral pourrait appliquer simultanément un pourcentage de ces augmentations des revenus aux gouvernements locaux.
Mais bien sûr, cela semble politiquement improbable. L’immigration est l’un des nombreux problèmes économiques évidents. Étant donné que la réforme de l’immigration semble plus probable qu’elle ne l’a jamais été, il est important de se rappeler que ce ne sont pas les évidences économiques qui ont changé. Ce sont les réalités politiques.
Adam Davidson est cofondateur du podcast et blogue de la NPR “Planet Money“.
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