Pourquoi certains groupes de réunion se distinguent-ils avec plus de perspicacité que d’autres

16 Janvier 2015

Par  ANITA WOOLLEY, THOMAS W. MALONE and CHRISTOPHER F. CHABRIS

Les équipes comprenant

un plus grand nombre de femmes

surpassent les équipes

comportant plus d’hommes

Il est tout aussi intéressant de noter les similarités que les différences, et je doute que la conduite de réunions soit bien différente en France de ce qu’elle est en Amérique. Il doit en être de même des conclusions qu’elles entrainent.

On a tous eu l’occasion de se demander où est l’intérêt de ces réunions dont la teneur ne semble pas nous concerner directement et au cours desquelles on ne cesse de regarder discrètement sa montre. Pour ma part, je trouve inquiétant de lire qu’un groupe de personnes intelligentes puissent une fois assemblés en venir à des conclusions stériles.

 Il m’a donc semblé intéressant de découvrir dans l’article qui suit les facteurs qui font que l’on puisse ressortir plein d’enthousiasme et d’énergie de certaines réunions et l’esprit engourdi de certaines autres. Mais ce que je trouve particulièrement captivant est la contribution disproportionnée qu’apportent les femmes à ces assemblées. Cela porte à souhaiter que seules les femmes conduisent les assemblées, que ce soit dans les entreprises comme au gouvernement.

Ces réunions interminables qui perdent le temps de tout le monde.

  • Ces comités dysfonctionnels qui font deux pas en arrière pour chaque pas en avant.
  • Ces équipes de s qui s’engagent dans de pieuses pensées collectives plutôt qu’une honnête analyse.

Toute personne qui fait partie d’une organisation, que ce soit une société, un conseil de condo ou une organisation bénévole, a connue ces pathologies et d’autres encore qui se produisent quand des êtres humains essaient de travailler en groupes.

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Mais le travail d’équipe doit-il être pour cela une cause    perdue? Les psychologues ont travaillé sur ce problème depuis longtemps. Et pour une bonne raison: De nos jours, même si nous idolâtrons le leader charismatique ou le génie créatif, presque toutes les importantes décisions sont prises en groupe. Quand le conseil d’administration de Facebook établit une règle sur la confidentialité, lorsque les agents de la CIA attaquent une cachette terroriste suspecte ou lorsqu’un jury décide de condamner un accusé, ce qui importe n’est pas seulement l’intelligence et la sagacité de chaque individu concerné. En groupe, des gens intelligents peuvent en venir à d’horribles conclusions ou prendre d’étonnamment bonnes décisions.

Les psychologues savent depuis un siècle que les capacités cognitives des individus varient. Mais certains groupes, comme certaines personnes, sont-ils plus fiables et plus intelligents que d’autres?

Travaillant avec plusieurs collègues et des étudiants, nous avons décidé de trouver réponse à cette question. Dans nos deux premières études que nous avons publiées avec Alex Pentland et Nada Hashmi du MIT en 2010 dans la revue Science, nous avons regroupé 697 participants bénévoles, en équipes de deux à cinq membres. Chaque équipe a travaillé pour accomplir une série de courtes tâches choisies pour représenter les diverses sortes de problèmes que les groupes sont appelés à résoudre dans la société. Une de ces activités impliquait une analyse logique, une autre le remue-méninges ou brainstorming; d’autres soulignaient la coordination, la planification et le raisonnement moral.

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L’intelligence individuelle, telle que mesurée par les psychologues, est définie de façon générale : les personnes qui ont un bon vocabulaire, par exemple, ont aussi tendance à avoir de bonnes compétences mathématiques, même si nous pensons souvent que ces capacités sont différentes. Les résultats de nos études ont démontré que ce même genre d’intelligence générale existe également pour les équipes. En moyenne, les groupes qui agissent correctement sur une activité agissent correctement sur les autres activités. En d’autres termes, certaines équipes sont tout simplement plus perspicaces que d’autres.

Nous avons ensuite essayé de définir les caractéristiques des équipes plus intelligentes des autres, et nous avons été un peu surpris par les réponses obtenues. Nous avons donné à chaque volontaire un test de quotient d’intelligence, le QI, mais les équipes avec une moyenne de QI plus élevée n’ont pas obtenu un score beaucoup plus élevé sur les activités d’intelligence collective que les équipes dont le QI était moins élevé. Les équipes comportant des personnes plus ouvertes et plus extraverties et les équipes dont les membres étaient plus motivés n’ont pas obtenu un plus grand succès.

Toutefois, les équipes les plus intelligentes se sont distinguées par trois caractéristiques :

  • Tout d’abord, leurs membres ont contribué aux discussions de l’équipe plus également, sans qu’une ou deux personnes ne dominent le groupe.

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  • Deuxièmement, leurs membres obtinrent de meilleurs scores sur un test appelé Reading the mind in the eyes [ la lecture de l’esprit dans les yeux], qui mesure la façon dont les gens savent lire les états émotionnels complexes à partir d’images ou de visages dont seuls les yeux sont visibles.
  • Finalement, les équipes avec un plus grand nombre de femmes ont obtenu un meilleur score que les équipes avec un plus grand nombre d’hommes. Ainsi, il est apparu que ce n’était pas la «diversité» (un nombre égal d’hommes et de femmes) qui comptait pour l’intelligence d’une équipe, mais simplement d’avoir plus de femmes. Ce dernier effet, cependant, s’explique en partie par le fait qu’en moyenne les femmes sont plus « clairvoyantes” et empathiques que les hommes.

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Dans une nouvelle étude que nous avons publiée avec David Engel et Lisa X. Jing du MIT dans la revue PLoS One, nous avons reproduit les conclusions antérieures, mais avec un changement. Nous avons assigné au hasard chacune des 68 équipes pour compléter notre test d’intelligence collective de deux façons. La moitié des équipes devait travailler face à face, comme les équipes de nos études antérieures. L’autre moitié a travaillé sur l’internet sans avoir la possibilité de voir leurs coéquipiers. La collaboration en ligne est à la mode, avec des outils tels que Skype, Google Drive et le courrier électronique à l’ancienne ce qui permet à des groupes qui ne se rencontrent pas d’exécuter des projets complexes.

Notre but était de distinguer si les groupes qui travaillaient sur l’internet démontraient toujours une intelligence collective, et si la capacité sociale importait autant quand les gens communiquaient seulement en tapant des messages sur un ordinateur.

Et ils ont démontré qu‘ils en étaient capables. En ligne et autrement, certaines équipes travaillaient systématiquement plus intelligemment que les autres. Mais plus surprenant encore est le fait que, quel que soit son mode d’interaction, les 3 plus importants éléments pour qu’une équipe intelligente travaille de façon constante sont :

  • des membres qui participent amplement,
  • des membres qui participent de façon égale et
  • des membres qui possèdent qui de bonnes compétences en lecture émotionnelle.

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Cette dernière constatation nous a surpris. La lecture importait tout autant pour les équipes en ligne dont les membres ne pouvaient pas se voir que pour les équipes qui travaillaient face à face. Ce qui rend les équipes intelligentes ne peut pas être la seule capacité de lire les expressions faciales, mais une capacité plus générale, connue sous le nom de “Theory of Mind,” [« la théorie de l’esprit»], la capacité d’examiner et de garder en tête ce que les autres membres ressentent, savent et pensent.

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Une nouvelle science de travail efficace en équipe est vitale non seulement parce que les équipes surpassent tant de choses importantes dans la société, mais aussi parce que tant d’équipes opèrent, relativement à des activités toujours plus étendues, et faisant face à des problèmes qui peuvent être très différents de ceux qu’ils ont originalement été invités à résoudre. L’intelligence générale, que ce soit des individus ou des équipes, est cruciale pour démontrer ceux qui seront les plus performants dans de situations nouvelles ou ceux qui nécessiteront apprentissage et adaptation à l’évolution des circonstances.

Nous espérons que comprendre ce qui rend les groupes plus perspicaces que d’autres aidera les organisations et les dirigeants dans tous les domaines à créer et à gérer des équipes plus efficaces.

Anita Woolley est professeur à la Tepper School of Business de l’Université Carnegie Mellon.

Thomas W. Malone est professeur à M.I.T. Sloan School of Management et le directeur du MIT Center for Collective Intelligence [Centre de développement de l’Intelligence Collective].

Christopher Chabris est professeur de psychologie à l’Union College.

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