Pourquoi les Français se battent-ils pour les heures de travail le dimanche ?

Le modèle français n’est pas durable, a déclaré André Zylberberg, économiste français. Il n’y a pour ainsi dire aucune restriction aux Etats Unis sur le travail le dimanche. Que ce soit une laitue ou une machine à laver, vous pouvez vous rendre directement au magasin le dimanche sans même avoir à vous renseigner pour savoir si le magasin est ouvert. S’il ne l’était pas ce serait une rare exception.

Cela fait plus de deux ans qu’en France l’on discute, négocie, débat, conteste, ergote sur le travail dominical. La religion n’est même plus un argument. Trop peu de gens s’y intéressent encore. L’argument majeur invoqué est la journée de repos, la journée passée en famille qu’un accord déroberait aux salariés.

Je voudrais pourtant qu’on demande aux opposants du travail dominical d’expliquer ce que font les chauffeurs d’autobus, ceux qui travaillent dans les cafés, les musées, les policiers et bien d’autres qui ne peuvent être assurés de pouvoir passer un dimanche en famille parce qu’ils doivent travailler ce jour là.

3 Je voudrais aussi connaître la différence entre un jour de repos en semaine où le dimanche ? Bien sûr, il faudrait une période d’adaptation, mais puisque selon la loi le travaille le dimanche est volontaire.

 

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Au BHV on a conduit un referendum. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi conduire un referendum puisque ce travail serait volontaire. Le travail dominical n’est apparemment pas passé par seulement quelques votes. Même s’il y eut 55% de non, pourquoi pénaliser les 45% autres employées intéressées. Et ce refus est au nom de quoi ? Au nom du jour de repos  que les employées veulent bien repousser contre une journée de bonne paie ?

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À la FNAC un accord a été refusé alors que trois syndicats sur quatre étaient d’accord. Parce que la CGT détient la majorité des adhésions. Pourtant de nombreux employés étaient intéressés par les généreux avantages : 3 fois le salaire pendant 12 dimanches et deux fois les autres dimanches. La CGT s’impose au nom de tous alors qu’elle ne détient les voix que de la moitié.

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 3 octobre 2013

Le New Yorker

PAR ALEXANDER STILLE

Il est révélateur qu’en France, où plusieurs magasins se battent contre une ordonnance les obligeant à fermer le dimanche, des employés des magasins sont arrivées au travail le mois dernier portant des T-shirts qui se lisent, “YES WEEK END [OUI LE WEEKEND].” Un jeu de mot sur le slogan de campagne de Barack Obama en 2,008, et un symbole du fait que certains en France, où les magasins ont été empêchés d’ouvrir le dimanche, à quelques exceptions près depuis 1906, ont récemment lorgné une approche plus américaine du travaille.

En Septembre, un tribunal de commerce français a déclaré que deux grands magasins de rénovations et bricolage, Castorama et Leroy Merlin, seraient passibles d’amendes quotidiennes de cent vingt mille euros par magasin s’ils continuaient à ouvrir sur Dimanche. Les détaillants ont dit qu’ils ouvriraient malgré les amendes qui sont les conséquences d’un procès. Les gens en France aiment travailler à l’amélioration de leur maison le dimanche, ce qui en fait l’un des jours les plus fréquentés pour les magasins de bricolage et représente entre quinze et vingt pour cent de leurs ventes. La fermeture le dimanche pourrait mettre en péril les emplois de quelque mille deux cents employés, selon la Fédération des Magasins de Bricolage.

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 “Je ne comprends vraiment pas”, a déclaré un client, cité dans le quotidien catholique La Croix. “Si tout le monde accepte de travailler, pourquoi ne pas ouvrir le magasin ?”

Pour un américain venant du monde où le 24/7 du capitalisme a cours, où le marché et la liberté individuelle sont des valeurs américaines sacrées, l’approche française de la main-d’œuvre semble à contre-courant. La France est un pays avec un taux de chômage de 10,6 %, embourbé dans une récession prolongée et désespéré de créer de la croissance, dont la dette nationale s’est intensifiée de 73 % du PIB à près de cent pour cent depuis le début de la récession. Et on empêche les entreprises d’ouvrir et de laisser les employés qui veulent travailler de le faire ? Mais avant de rouler les yeux à la rigidité idéologique du gouvernement français, il est peut-être utile d’examiner pourquoi les Français et d’autres Européens pourraient-examinent cette question différemment.

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Les magasins en Allemagne, le pays qui a la plus forte économie européenne, sont fermés le dimanche, avec encore moins de dérogations qu’en France. Werner Zettelmeier, le directeur de recherche du Centre parisien d’information et de recherche sur l’Allemagne contemporaine, a écrit dans La Croix d’hier : “Le repos dominical bénéficie d’un consensus en Allemagne entre les syndicats, les employés, les consommateurs et les propriétaires d’entreprises. Tout politicien qui proposerait l’ouverture des magasins le dimanche risquerait sa carrière.”

Les économistes français Patrick Artus, Pierre Cahuc et André Zylberberg font valoir dans la plus vaste étude française du temps de travail le dimanche que bien qu’il existe des avantages économiques évidents à rester ouverts le dimanche, chaque société a un choix légitime à faire entre l’argent et les loisirs. Leur rapport de cent trente-huit pages, “Work Time, Revenue, and Employment ” publié en 2007, offre un examen historique et interculturelle de grande ampleur.

Du temps de l’ancien régime, les Français travaillaient beaucoup moins qu’ils ne le font aujourd’hui, avec quelques cent soixante-quatre jours fériés pendant l’année ; c’est à dire qu’ils passaient quarante-cinq pour cent de l’année à ne pas travailler pas. C’était dû en parti au fit que la plupart des gens étaient des agriculteurs, à la nature saisonnière du travail et que l’absence d’électricité limitait le nombre d’heures de travail possible. Pendant la révolution industrielle, les heures de travail augmentèrent considérablement, de la façon déchirante décrite par Dickens et Zola.

Pendant des années, les français ne se montrèrent pas particulièrement oisifs par rapport aux autres : dans les années cinquante, le Français moyen travaillait près de deux mille deux cents heures par an, soit trois cents heures de plus que son homologue américain, qui travaillait environ 1900 heures. La réduction progressive du temps de travail a été considérée comme l’une des grandes réalisations de la période après la Seconde Guerre mondiale. Le temps de travail a baissé presque partout, y compris aux Etats-Unis. En 1980, l’Allemagne, la France et les Etats-Unis ont convergé autour de 1700 heures.

Puis, quelque chose a changé. La plupart des pays européens ont continué à réduire les heures de travail tandis qu’aux États-Unis, les heures de travail ont grimpé. Aujourd’hui, les Américains travaillent un peu moins de mille huit cents heures par an, contre mille cinq cents heures pour les Français.

Que s’est-il passé ? ? Dans les années quatre-vingt, les Etats-Unis et l’Europe ont commencé à se mouvoir dans des directions opposées. L’Europe a consolidé son généreux état-providence, et les États-Unis, sous Ronald Reagan, ont commencé à démanteler le leur, probablement afin de rendre son économie plus compétitive. Les deux méthodes atteignirent leurs objectifs.

Aujourd’hui, le revenu moyen des ménages est de trente-quatre pour cent plus élevé aux États-Unis qu’en France, selon l’OCDE, et les Américains, comptent, en moyenne, un niveau plus élevé de satisfaction ; outre les trois cent heures de temps libre additionnelles, les Français, profitent d’un réseau de soutien social plus solide et d’un bien meilleur équilibre entre travail et vie privée que les Américains. Tout cela se traduit par une qualité de vie qui est au moins aussi bonne sinon meilleure que celle des Américains. De plus, les travailleurs français ont des protections et des garanties qui ont disparues aux États-Unis il y a une génération. L’approche française au travail est peut-être moins productive, d’un point de vue purement économique, mais elle a ses avantages. La fermeture de Home Dépôt [la chaîne de magasins équivalente d’une chaîne française de bricolage] le dimanche paraîtrait une grave perte de liberté pour les Américains, mais de nombreux Européens voient cela différemment.

“Le bien-être de chacun de nous n’est pas indépendant de ce que font les autres », écrivent Artus, Cahuc et Zylberberg. “La valeur de notre temps libre dépend de la possibilité de le passer en famille ou de partager ces moments avec les amis.” En d’autres termes, la valeur du peu de gens travaillé le dimanche est qu’il permet les familles ou amis à faire des choses ensemble.

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Ceci n’est pas aussi trivial que cela peut paraître à première vue ; les sciences sociales trouvent de plus en plus de liens entre le temps passé en famille et le bien-être. Des études aux États-Unis démontrent que les enfants qui dînent régulièrement en famille réussissent mieux à l’école et sont moins susceptibles d’avoir des ennuis. Les familles qui mangent rarement ensemble connaissent en moyenne des taux plus élevées d’obésité, d’alcool, de consommation de drogues parmi les adolescents, et de grossesse chez les adolescentes. L’implantation du 24/7 capitaliste aux États-Unis, qui a contraint de nombreux parents à travailler des heures tardives, ou à maintenir plus d’un emploi est allé de pair avec diverses tendances sociales néfastes : la hausse des taux de divorce, de l’obésité chez l’enfant, de l’usage de la drogue et la grossesse chez les adolescentes.

Pourtant, l’épreuve de force française peut être un signe que le système français a sérieusement besoin de révision. “Le système français du travail est basé sur l’hypothèse erronée que si tout le monde travaillait moins d’heures, il y aurait plus d’emplois pour tout le monde,” m’a dit Zylberberg, économiste à l’Université de Paris I. “Le système est basé sur l’idée que le marché du travail est un jeu à somme nulle dans lequel plus une personne travaille, moins il en reste pour les autres. C’est simplement faux “. En 2000, la France a adopté une loi instituant la semaine de travail de trente-cinq heures. Le nombre d’heures a en effet diminué depuis, mais le chômage a continué d’augmenter. En outre, Zylberberg ajoute que sa recherche démontre que « dans les pays où les entreprises étaient libres de rester ouvertes le dimanche ou le soir, le secteur du détail avaient augmenté de trois à dix pour cent, ce qui est loin d’être négligeable.”

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Zylberberg ainsi que d’autres économistes soulignent également que le généreux système de retraites de la France pose un problème. La France a récemment poussé son âge de la retraite de 60 à 62 ans ; une pression sur la gauche pour le ramener à soixante ans est déjà amorcée. La population vivant de plus en plus jusqu’aux années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, ainsi qu’un faible taux de natalité et la diminution du nombre de travailleurs, il est claire que le calcul ne tient pas debout. “Le modèle français n’est pas durable », a déclaré Zylberberg

Avec la hausse du chômage en France, l’opinion publique a progressivement évolué sur ce sujet et sur d’autres sujets similaires. Au cours des années 80, cinquante-sept pour cent des Français ont déclaré qu’ils préféreraient avoir plus de temps libre que plus d’argent. Aujourd’hui, le pourcentage de ceux qui disent qu’ils renonceraient à plus de loisirs pour plus d’argent augmente, surtout parmi les jeunes. Voilà peut-être pourquoi les personnes qui protestent contre les fermetures de magasins incluent des travailleurs qui préféreraient l’argent au temps de loisir le dimanche

Le gouvernement de François Hollande a tenté d’éviter une collision frontale avec les magasins de détail. Zylberberg et ses collègues ont une suggestion intelligent pour le gouvernement : Laisser les maires décider. Cela faciliterait une formidable expérience naturelle, par laquelle les français pourraient comparer les résultats dans les villes qui ferment leurs boutiques le dimanche avec les résultats dans celles qui ne le font pas. Laisser la décision aux maires soustrairait le gouvernement national de l’inconfortable position d’avoir à choisir entre les syndicats et les grandes entreprises de vente au détail.

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Mais cela irait à l’encontre de la tradition républicaine de la France, qui est fermement centralisée et basée sur la notion que nous sommes tous dans le même bateau, que cela nous plaise ou non.

 

 

 

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